Association L'Ange Bleu
A.N.P.I.C.P. (Association Nationale de Prévention et d'Information Concernant la Pédophilie)

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Critique d’un projet de loi annoncé (LOPPSI), par J.-M. Louka

Lundi 15 novembre 2010

Sans critiquer le projet de loi LOPPSI sur ses fondements techniques et démocratiques (voir notre article publié dans la rubrique "Actualités Juridiques"), le psychanalyste Jean-Michel Louka nous livre une réflexion de fond qui, si elle prend appui sur cet événement législatif, nous offre un point de vue plus large sur la nature de la pédophilie et le rôle fondamental de la parole en tant que moyen à mettre en oeuvre pour en prévenir les manifestations.
La troisième proposition de notre texte défend l'idée largement expérimentée en notre sein "qu'en prenant en charge ces personnes avant la commission d'un délit quelconque, nous évitons à la fois celui-ci et nous évitons par là même ce qu'il en coûte à la société. "
J.M. Louka renforce cette idée en démontrant en quoi et pourquoi l'accompagnement et l'écoute de ces personnes gagne en efficacité devant toute logique purement répressive, dont ce nouveau projet législatif en est son expression.



Paris, le 15 novembre 2010


A l’heure où un nouveau projet de loi (loi LOPPSI) visant à protéger les citoyens autour des questions de pédophilie et de leur diffusion par le biais d’internet (filtrage d’internet instauré pour la protection de l’enfance en son article 4) doit voir le jour, il faut rappeler que les affaires récentes de pédophilie qui ont humainement et judiciairement défrayé la chronique ne peuvent faire l’impasse sur un fait : la sexualité humaine est un domaine des plus complexes.

Loin d'être une simple bio-génitalité, reposant sur des besoins sexuels, génétiquement programmée et visant essentiellement à la reproduction comme chez les animaux, elle est, avant tout, une psycho-sexualité, du fait que l'être humain est un être de langage, du fait, donc, qu'il parle. C'est parce qu'il est un "parlêtre", qu'il est soumis au langage, qu'il a un inconscient. Et cet inconscient perturbe tout d'une supposée génitalité normale, laquelle n'existe pas. C'est donc, chez l'Humain, le désir, qui plus est, le désir en tant qu'inconscient qui va mener la danse de sa sexualité. Le désir inconscient est irreprésentable. Le fantasme est là pour suppléer, supporter ce désir irreprésentable. Et le fantasme, les fantasmes, se mettent en place lors de la lente et cahoteuse construction du "sujet", entraînant la multiple possibilité d'expression des pulsions sexuelles qui réclament, chacune, leur satisfaction. Très tôt. Ensuite va venir une répression desdites pulsions, pour chacun, pour chacune, une "castration" de certaines pulsions non-admises par et pour la vie collective, afin d’obtenir une vie non-barbare supportable en société.

La plupart des sujets va prendre cette voie dite "normale" d'accepter la répression, tout au moins pour l'essentiel, la castration de certaines pulsions, ou expressions des pulsions, des pulsions les plus mortifères pour soi-même et pour autrui, pour l'autre, le partenaire sexuel. S'il y a trop de répression, culturelle, sociale, émerge un risque de sombrer dans la névrose (hystérie, névrose obsessionnelle, phobie). S'il n'y en a pas assez, pour une raison ou une autre, se fait jour un autre risque, que le sujet s'installe dans la perversion, dans la pratique d'actes dits pervers (masochisme, sadisme, exhibition, voyeurisme, pédophilie, passages à l'acte incestueux, gérontophilie, rapports sexuels avec les animaux, etc.). Les personnalités pédophiliques ne témoignent d'aucune "anormalité" psychique ou physique particulière, mais seulement sociale, au sens où cette castration des pulsions ne s'est pas accomplie comme il convient pour la vie collective, la rendant acceptable selon ses règles, selon ses normes, selon ses lois.

Ce sont souvent des personnalités immatures, fixées à un moment de leur histoire infantile, fascinées par l'enfant ou l'adolescent, parce qu'elles se trouvent et se retrouvent en lui. En fait, on pourrait dire que ces personnalités se mirent dans l'enfant qu'elles tourmentent ou utilisent pour leur plaisir, pour leur jouissance, pour satisfaire leur fantasme (au singulier), fantasme fondamental auquel elles restent comme collées, et qui, parfois, les mène au passage à l'acte répréhensible. Elles sont alors condamnées, si elles sont prises dans les rêts de la police et de la justice. L'enjeu curatif d'une psychanalyse, en ce domaine, est de tenter (et de réussir!) ce "décollement" qui n'a pu avoir lieu en son temps. Ceci, afin de permettre cette "castration des pulsions", sans laquelle aucune vie ne peut se vivre dans le respect de l'Autre. Mais l’enjeu préventif existe aussi, et c’est sur celui-ci que devrait porter aujourd’hui l’effort collectif de la main tendue d’une société qui ne peut plus se suffire de seulement réprimer, punir. Les pédophiles sont dans une souffrance, généralement indicible, honteuse, même pour les plus accessibles à une demande d’aide qui ne reçoit pas toujours la réponse sociétale escomptée.

Oui, il faut accueillir cette souffrance, si elle le souhaite bien entendu, même si elle semble monstrueuse à beaucoup par ailleurs. Surveiller et punir ne suffisent pas,...il faut aussi accueillir et "traiter" ! C’est ce que fait l’association « L’ANGE BLEU), créé par Latifa Bennari, association qui n’a pas sa pareille car si elle s’occupe des victimes des abus et violences sexuels, incestes, elle accueille également – expérience à ma connaissance unique – les pédophiles que Latifa Bennari appelle « pédophiles abstinents », ces derniers n’étant jamais passés à l’acte, mais restant taraudés par de tenaces fantasmes sexuels concernant les enfants et les adolescents. Pour le praticien qui en a l’expérience, l'histoire infantile est, à chaque fois, à chaque cas, partie prenante. Pas de présent, sans passé, chez l'Homme. Non pas que le passé soit seulement "explicatif", comme l'on dit trop souvent - il peut l'être -, mais, surtout, il est "originaire" de ce que l'on rencontre dans le présent. Et l’on constate que les éléments de la complexité du tableau auquel on se confronte dans le présent, étaient déjà là, lisibles, prêts à se combiner si l'occasion leur en était donnée...

Ainsi, dans la plupart des cas, il aurait été plus « facile » de prévenir, d’aider à la « castration des pulsions » par un travail de parole, plutôt que de se retrouver plus tard, aujourd’hui, à tout reprendre de ce chantier des pulsions et d’un sujet qui a toujours cherché son « bon entendeur », mais qui ne l’a jamais rencontré. Lui avait-on même proposé ? C’est à quoi se voue l’association Loi 1901 « L’Ange Bleu », sa présidente et ses collaborateurs, sans subventions d’aucune sorte, mais avec une énergie considérable, depuis de nombreuses années déjà. Qu’il lui soit ici rendu hommage.

Jean-Michel LOUKA
psychanalyste
jean-michel.louka(at)orange.fr
http://www.louka.eu



 


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