Association L'Ange Bleu
A.N.P.I.C.P. (Association Nationale de Prévention et d'Information Concernant la Pédophilie)

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Quand les abus ne sont plus

23 juin 2010


Présidente de l'association "Osez Dire" et ancienne victime, Nathalie nous fait part de son témoignage.
Nous la remercions pour nous avoir autorisé sa publication :




"Quand les abus ne sont plus"


Résumé de mon parcours :

Je suis née le 17 mars 1973. Mes parents ont divorcé en 77, je crois.

Ma mère a rencontré quelqu’un. Ce quelqu’un est vite venu s’installer à la maison. Il me semble. Il nous gardait (j’ai un frère) un soir par semaine lorsque ma mère s’absentait pour se rendre à un cours. Il est venu dans ma chambre. Il remontait ma chemise de nuit sous les bras et me caressait. J’ai le souvenir d’une fois ou il a retiré ma chemise. J’ai dû aller au WC, nue et il m’a suivi.

A l’école enfantine, j’avais six ans, ma mère m’a laissée partir avec lui pour un petit voyage d’affaire. Je vois cette chambre d’hôtel. Il y a une piscine pas loin, j’entends les enfants criés. La porte d’entrée de la chambre a une vitre au milieu. Une vitre épaisse, brouillée pour quand même respecter l’intimité de la chambre…Je suis couchée sur le lit, sur le côté. Mon pantalon est sur mes chevilles. Il est derrière moi. Tout collé à moi. Je ne sais pas ce qui s’est passé ce jour là. Qu’ai-je subi ? Ai-je eu mal ?

Le lendemain, nous sommes repartis. Je ne sais pas quel trajet exactement. Ce dont je me souviens, ce sont les innombrables arrêts dans la forêt. Il m’imposait des fellations. On reprenait la route jusqu’au prochain arrêt « forêt ».

On est rentré, je n’ai rien dit. Mon calvaire a continué. Je subissais plusieurs fois par semaine. Dans la salle de bain, dans ma chambre, dans la cave, dans la voiture, dans le lit conjugal. Un jour, son fils (qu’il a eu d’un premier mariage) a fait pareil que son père. Je me suis retrouvée dans son lit. Il a baissé ma culotte, m’a caressée. Son père est sorti de la chambre conjugale et nous a surpris. Je suis sortie du lit avec la culotte sur les chevilles, il m’a simplement envoyé au lit comme si rien ne s’était passé. A-t-il parlé à son fils ? Je ne sais pas. Mais j’ai subi son fils de longues années également.

Nous avons déménagé dans une villa. Ma mère travaillait tous les samedis matins à la pharmacie. Il l’accompagnait et revenait très vite. J’avais ordre de l’attendre dans le lit conjugal. Ce qu’il s’est passé dans ce lit ces moments-là, je ne vous le raconterai pas. Mais je pense que vous pouvez très bien l’imaginer. Son fils avait installé sa batterie dans l’abri. Dans cet abri, il y avait le congélateur bahut. Le congélateur s’est transformé en lit le temps qu’il abuse de moi. Il a également essayé les préservatifs sur moi ou si vous préférez en moi. Histoire qu’il soit au point avec ses conquêtes.

Vers l’âge de 12 ans, alors que ma mère et lui étaient séparé, il continuait de venir nous chercher. Ma mère nous laissait vu qu’elle ne savait rien de ce que je subissais. Pour pouvoir abuser de moi, il donnait de l’argent à mon frère ou lui achetait quelque chose, histoire qu’il soit occupé dehors pendant que…C’est à ce moment-là que je lui ai dit non. Bien sûre que j’avais dit non déjà. Mais trop petite pour tenir tête à cet adulte. Lorsque je lui ai dit non, pendant 10 minutes, il m’a dit : «viens à la maison, allez s’il te plaît. ». Non, exclu. Je suis allée vers mon frère et j’ai joué avec lui.

Quelques années plus tard, je devais avoir 14 ans, je l’ai rencontré, lui, et il m’a dit : « Avec tout ce que je t’ai fait vivre, tout ce que je t’ai donné, tu ne connaîtras jamais le bonheur. »

La première fois que j’ai parlé de ce que j’avais vécu, je devais avoir 16 ans. A un ami. J’ai porté plainte en 1992. Il y a eu une enquête. Ai « subi » une confrontation avec lui dans le bureau du juge d’instruction. Ou il a dit : « mais si j’avais fait ça (donc les abus), je serais un monstre, un malade. ». Un non lieu a été rendu la même année. Il est inscrit dans ce non lieu…malgré les plus forts doutes… Je tenais avec ce secret, je vivais enfin je survivais. A 19 ans, j’ai été hospitalisé pour une grave dépression. Près de 5 ans de clinique, d’hôpitaux psy. J’ai connu boulimie, automutilations, tentatives de suicide, graves problèmes de sommeil.

Nous sommes en 2008. J’ai fait des années de thérapies. De belles rencontres qui m’ont permis d’évoluer. Je suis sortie des sentiers battus, à comprendre par là que j’ai utilisé d’autres outils pour m’en sortir. Comme le reiki, dernièrement le chamanisme. Il y a également l’association. Par le biais de l’association, il y a de belles rencontres. Des rencontres qui vous aident. Tant à comprendre qu’à évoluer.

Aujourd’hui, les abus sont derrière moi. Avant, je disais qu’il fallait apprendre à vivre avec. Aujourd’hui, je vis. Simplement. C’est une blessure comme une autre. Mais une blessure cicatrisée. J’ai grandi dans cette blessure. Aujourd’hui, je suis sortie de cette blessure plus forte, plus grande. Mon dernier psy m’a dit au début de la thérapie : « c’est dans la plaie que se trouve la cicatrisation. ». Il m’a fallu du temps pour comprendre le sens de cette phrase.

J’ai traversé la honte, la culpabilité, la rage, la haine, le dégoût. La mort s’est trouvé sur mon chemin mais heureusement, elle n’a pas voulu de moi. Tous ces sentiments font parti de la guérison.

Je ne pensais jamais m’en sortir. Je pensais devoir vivre toute ma vie avec ce lourd fardeau qui m’a été imposé. J’ai déposé le fardeau, accepter d’aller dans la plaie pour y sortir plus vivante que jamais.

Je n’éprouve plus rien pour mes abuseurs. Ce sont des gens comme les autres. Plus de haine, plus de rage.

Les abus sexuels sont ravageurs, provoquent d’énormes dégâts. Mais ils ne sont pas la fin d’une vie. Il faut beaucoup de temps pour s’en sortir. Beaucoup de patience. Mais c’est un chemin tout à fait faisable par tout un chacun.

Je suis libre.
Je suis.


(Ecrit le 16 octobre 2008.)

 


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