Association L'Ange Bleu
A.N.P.I.C.P. (Association Nationale de Prévention et d'Information Concernant la Pédophilie)

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Prévenir la récidive

L'Express, 18 septembre 2003

En vingt ans, les condamnations pour agression sexuelle sur mineur ont augmenté de 200%. Et les peines de prison se sont alourdies. Mais l'enfermement ne résout pas tout. Après des années d'inertie, la France s'engage peu à peu dans la prévention. Avec de faibles moyens et un manque cruel de spécialistes

Comment prévenir la récidive des pédophiles? «On ne doit plus laisser en liberté un violeur, après sa sortie de prison, sans savoir où il habite, ce qu'il fait, et, par-dessus tout, sans s'assurer qu'il suit un traitement», a déclaré Nicolas Sarkozy, en annonçant qu'il était décidé à faire de la prévention de la récidive des délinquants sexuels une «priorité absolue». Le projet du ministre de l'Intérieur est de créer un fichier permettant de localiser ces délinquants sexuels qui, à leur sortie de prison, devraient pointer dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie et signaler tout changement de domicile.

Au-delà de la polémique sur le bien-fondé de la création d'un fichier, les déclarations du ministre révèlent surtout notre impuissance collective face au problème posé en particulier par les pédophiles. Tranchant avec la loi du silence d'antan, le nombre d'affaires explose aujourd'hui. Cet été, par exemple, dans la Drôme, le chef du service de pédiatrie de l'hôpital de Montélimar, un homme de 35 ans, a été mis en examen après la découverte de quelques milliers d'images pédophiles sur son ordinateur privé. Dans l'Oise, un prêtre a été mis en examen pour «agression sexuelle sur mineur de 15 ans», au cours d'un voyage de jeunes qu'il accompagnait à Paris. A Rouen, un homme de 74 ans a été incarcéré pour avoir violé à plusieurs reprises un enfant de 9 ans, le fils d'amis. Et un moniteur de classe de neige a été mis en examen pour agressions sexuelles sur des enfants, à la suite de plaintes de parents d'élèves d'une école privée de Marseille. Il avait déjà été condamné le 3 mars 2000 pour des faits similaires.

Quand on assiste aux procès de ces délinquants sexuels, on est frappé par le caractère répétitif, souvent, de l'histoire de ces pédophiles condamnés une fois, plusieurs fois, et qui réitèrent leurs actes, mettant en échec toutes les tentatives de réinsertion, confrontant les corps social, médical et judiciaire à des béances difficiles à combler. Leur risque de récidive est élevé: de l'ordre de 10 à 30%, largement supérieur à celui des violeurs de femmes et des pères incestueux. Première parade, toujours plus préconisée: la prison. En vingt ans, les condamnations pour crimes et agressions sexuels sur mineurs ont explosé de 200% (46 viols et 1 597 attentats à la pudeur en 1984; 4 865 agressions sexuelles et 508 viols en 2000). Parallèlement, les peines se sont alourdies: «106 mois de réclusion en moyenne en cas de viol en 1997, contre 72,6 en 1984, observe le magistrat Xavier Lameyre, spécialisé dans la criminalité sexuelle. C'est le double de la durée moyenne connue en Belgique et le triple de celle qui est pratiquée au Canada. La France est, de loin, le pays européen le plus répressif en la matière.»

Et pourtant, la prison ne semble pas le rempart le plus adéquat en matière de prévention de la récidive. Comment, en effet, prendre en charge les pédophiles à leur sortie, les empêcher de recommencer? Cette question, l'Hexagone a tardé à se la poser. Alors que les pays anglo-saxons ont attaqué le problème il y a vingt ans et mis en place, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, des fichiers de surveillance des délinquants sexuels destinés à contrôler leurs déplacements et à prévenir le voisinage, en France, pouvoirs publics et soignants en ont seulement pris conscience au début des années 1990, face à la pression sociale et à la montée des associations de victimes. En 1998, au terme de débats houleux, l'ancienne garde des Sceaux Elisabeth Guigou instaure une injonction de soins pour les agresseurs sexuels à la sortie de prison. Pour obliger, enfin, médecine et justice à collaborer. Mais entre la loi et sa mise en application subsiste un fossé que prétend combler le projet Sarkozy.

Aujourd'hui, souligne-t-on au cabinet du ministre, les policiers et les gendarmes n'ont pas la possibilité de savoir où se trouvent les délinquants sortis de prison lorsqu'un suivi socio-judiciaire n'a pas été mis en place ou lorsque la condamnation est trop ancienne. Quant aux traitements, s'ils se diversifient et font parfois leurs preuves, ils sont encore peu répandus et n'ont jamais fait l'objet d'évaluations statistiques.

Avant même l'électrochoc Dutroux, en 1996, qui, au-delà de l'horreur de faits exceptionnels, permettra de lever le voile sur des pratiques longtemps étouffées, un scandale, au début des années 1990, avait déjà réveillé les consciences et fait évoluer l'arsenal répressif: l'affaire Van Geloven, violeur et tueur de deux fillettes, à l'issue de laquelle la loi Méhaignerie décrète, en 1994, une peine de sûreté incompressible pour les meurtres de mineurs précédés de viol ou de torture.

Imposer l'idée de soins «sous contrainte» dans le cadre d'un «suivi socio-judiciaire»
Loi du 17 juin 1998


De leur côté, quelques psychiatres pionniers, comme le Dr Claude Balier ou le Dr Roland Coutanceau, fondateur en 1991 de la première antenne spécialisée à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), commencent, à la même période, à s'intéresser à ce type de déviance. A contre-courant d'une attitude dominante chez les psychiatres, qui considèrent alors tous les pédophiles «comme des pervers incurables», ainsi que l'explique le Dr Coutanceau. «Les médecins mettaient aussi en avant le fait que l'on ne soigne pas les gens contre leur gré. Or les agresseurs sexuels, peu conscients de la gravité de leur acte, demandent rarement des soins...» Bref, c'est l'omerta dans les institutions et l'inertie dans le milieu médical. Jusqu'à ce que quelques-uns décident de s'aventurer dans la prise en charge de sujets (en majorité des hommes) portés sur les prépubères de moins de 13 ans, en raison d'un «trouble de la préférence sexuelle», si l'on s'en tient à la définition de l'OMS, qui ne considère pas la pédophilie comme une pathologie mentale.

Une étude de la Direction générale de la santé, réalisée en 1995 auprès de 176 détenus pour affaires de mœurs et montrant les limites de la seule incarcération, préconisait d'ailleurs un accompagnement par des soins susceptibles d' «avoir un effet conteneur et donc antidépresseur suffisant pour éviter les risques de récidives». Une loi, votée le 17 juin 1998, va donc intégrer ce constat et entériner l'idée de soins «sous contrainte» dans le cadre d'un «suivi socio-judiciaire» (SSJ).

Désormais, l'agresseur, dès la prison, est incité, en échange de réductions de peine, à aller consulter. Et, à sa sortie, il est suivi, durant dix ans au maximum pour les délits et vingt ans pour les crimes, par un médecin qui lui délivre des certificats à remettre au juge de l'application des peines. Ceci par le truchement d'un «médecin coordonnateur», trait d'union entre les deux, qui préserve le secret médical et examine le patient. Si la règle n'est pas respectée, le couperet tombe: retour à la carcérale. Unanimes, magistrats et psychiatres avant-gardistes, tel le Pr Barte, chef de service à l'hôpital Marmottan, applaudissent: «Cette loi est un pari qui contribue à créer une culture du soin pour les agresseurs sexuels.»

Reste que le dispositif a ses limites: le peu de peines avec suivi socio-judiciaire prononcées (75 en 1999, 265 en 2000, 417 en 2001) montre, comme l'explique un magistrat du parquet de Paris, que «les juges hésitent à sortir des sentiers battus. Ils préfèrent encore le sursis avec mise à l'épreuve et obligation de soins, plus facile à mettre en œuvre mais seulement valable pour trois ans. Par ailleurs, cette loi n'est pas rétroactive et ne concerne donc pas les faits antérieurs à 1998. Et puis elle a tardé à entrer en vigueur, d'où un effet démobilisateur». Mais le plus gros obstacle à sa mise en œuvre réside dans la pénurie de psychiatres: «On connaît depuis longtemps la misère en prison, avec seulement 26 services médico-psychologiques pour 185 établissements et, surtout, le sous-effectif chronique des professions psychiatriques», fulmine le Dr Evry Archer, médecin-chef de Loos-lès-Lille. A l'extérieur, la situation n'est guère plus satisfaisante. Certains médecins coordonnateurs ne sont toujours pas nommés. Exemple à Angers (Maine-et-Loire), comme le déplore Me Pascal Rouiller, avocat d'un pédophile présumé: «Certains individus impliqués dans le réseau pédophile et déjà condamnés à un SSJ n'étaient pas pris en charge, faute de juges de l'application des peines, débordés, et de médecins.» Hormis les précurseurs, en effet, «peu de praticiens et d'experts - qui recommandent l'injonction de soins avant le jugement - sont formés à la délinquance sexuelle», renchérit le Dr Gérard Dubret, chef de service à l'hôpital de Pontoise. De fait, la prise en charge de ces sujets est délicate. «On court le risque d'être manipulé et de se voir imputer la récidive. D'où les réticences...», avance le Dr Pierre Sabourin, psychiatre au centre des Buttes-Chaumont, à Paris.

«Je suis allé consulter plusieurs psys. Aucun n'a jamais pris la mesure du problème»
Jacques, 50 ans


A ces carences le ministère de la Santé apporte un début de réponse: en lançant, depuis 2002, des formations censées toucher chaque année 200 praticiens. C'est d'autant plus une nécessité que les experts s'accordent sur un point: des thérapies pertinentes donnent des résultats chez bon nombre de sujets. A une exception près: celle du pédophile dit «prédateur», le pervers cynique qui traque l'enfant pour assouvir sa pulsion, par le biais d'un scénario pouvant, parfois, conduire au meurtre. Dans ce cas, les psychiatres le confessent, les soins sont quasi sans effet. «Seule solution, la prison, admet le Dr Philippe Plichart, médecin-chef de la prison de Caen, qui précise néanmoins que, «contrairement aux idées reçues, ce type de criminel reste très minoritaire».

Le pédophile le plus répandu et le plus accessible aux soins, c'est donc plutôt le «séducteur», le «tripoteur», selon le Dr Coutanceau. «Souvent, renchérit le Dr Bernard Cordier, chef de service à l'hôpital Foch, à Suresnes, des hommes au contact des enfants - le mono préféré, l'instit sympa... - qui ont un plaisir certain à établir une relation pseudo-égalitaire avec un mineur, dans un contexte de tendresse érotique, de tromperie plus ou moins ludique.» Parmi eux, une palette de personnalités égocentriques ou immatures, de plus en plus traitées - dans les rares centres à la pointe - de manière différenciée. Pour les plus évoluées d'entre elles, capables d'introspection: la psychanalyse.

«Parler, enfin, après toutes ces années de silence, tenter de comprendre», avec l'aide d'un thérapeute compétent, Jacques, 50 ans, avoue en avoir longtemps rêvé, après plusieurs essais infructueux... avec des «psys de salon», comme il dit. «Je suis allé consulter plusieurs fois, raconte-t-il. Mais aucun n'a jamais pris la mesure du problème. Alors, j'ai continué à céder à mes pulsions.» Il croise et décroise les mains, transpire dans sa barbe broussailleuse. Revient sur son enfance timide, son échec conjugal, sa lente dérive, jusqu'au passage à l'acte sur ses petites élèves du cours de piano, pendant dix ans. Jusqu'à ce qu'une mère porte plainte... La psychothérapie? Elle lui a fait entrevoir son «transfert» sur les fillettes. «Avant, je vivais à travers les autres, je voulais toujours me faire aimer. C'est peut-être pour ça que je suis allé vers les enfants. Parce qu'ils sont plus faciles à aborder que les adultes, sans préjugés...», assure-t-il.

Se défaire du secret, jeter la lumière sur un passé, des distorsions fondamentales, pour enrayer la spirale infernale de la récidive: c'est précisément l'une des étapes de la thérapie, explique la psychanalyste Denise Bouchet-Kervella. Une thérapie qui, selon elle, révèle souvent chez les pédophiles d'anciens enfants «en carence affective, parfois abusés ou maltraités, sous la coupe d'une mère castratrice dont ils transposent l'image sur le monde adulte, effrayant». Et qui permet, ainsi, de démonter les ressorts d'une «relation miroir à la victime, elle-même souvent fragilisée», où sommeille le besoin d'identification, de maternage ou de compensation en cas de «défaillance» avec les adultes...

C'est grâce à une psychanalyse qui a débuté en prison que Paul, cadre supérieur de 53 ans, a pu, lui aussi, diriger le projecteur sur ses «démons» et prendre conscience, surtout, des ravages commis sous un voile amoureux. «La garde à vue, la sanction - cinq ans, dont trois avec sursis, en 2001 - puis le fait d'être obligé de voir un psychologue ont été un déclic», admet-il. Ses fantasmes, qui ont jailli très tôt, dans une famille bigote où «le corps était sale», avaient pris forme sur sa belle-fille de 11 ans. «C'est moi qui suis allé vers elle au départ», relate-t-il. Avant d'ajouter: «Mais elle était très affectueuse. Et un jour, elle s'est offerte...» Ou il a voulu le croire. Cette petite-là n'a jamais osé parler. Il sera condamné pour «viol et agressions sexuelles» dans une affaire ultérieure - qu'il nie en partie. Ce n'est qu'aujourd'hui que Paul convient qu'il «n'a peut-être pas fait que du bien» à la fillette. «En fait, c'était à moi, à l'adulte, de refuser, lâche-t-il. Il y a eu une anomalie de ma part.» Un aveu. «C'est la finalité même du soin, confirme le Dr Pierre Lamothe, médecin-chef des prisons de Lyon. Amener ces sujets à intégrer la notion de l'autre, de victime, à passer de la notion de honte à celle de culpabilité. Comprendre la transgression. Leur apprendre, aussi, à vivre avec leurs pulsions, à les canaliser, pour ne plus passer plus à l'acte.»

Dans cette optique d'efficacité, poursuit-il, il faut parfois accepter de s'éloigner du champ strict de la psychanalyse, dominante en France, pour faire preuve de pragmatisme. «La psychanalyse n'est opérationnelle que sur une élite, pas sur les sujets plus frustes qui constituent le gros de mes patients!» précise le Dr Coutanceau. Progrès notable, quelques psychiatres réalistes n'hésitent donc plus à diversifier leurs approches et à se tourner vers des techniques dites du comportement, utilisées par les Anglo-Saxons et longtemps méprisées... Apprendre, par exemple, au pédophile à quitter le face-à-face sécurisant avec le thérapeute pour se confronter au regard d'un groupe. A améliorer un rapport souvent malhabile aux autres et à la séduction. A enrichir sa palette, parfois indigente, de sensations dans des ateliers de «multisensorialité». A mieux connaître son corps par la relaxation. A écrire une lettre virtuelle à la victime. Ou bien encore à décortiquer l'enchaînement des faits qui ont mené à l'acte pour repérer, dans le futur, les situations à risque.

Alain, thésard de 41 ans, longtemps aimanté par les «anges blonds, luisants, à la peau douce», selon ses termes, a pu bénéficier d'une telle prise en charge à La Garenne-Colombes: «La thérapie de groupe fait avancer, reconnaît-il. Quand on entend l'un revendiquer la reconnaissance de la pédophilie en parlant des Grecs, l'autre dire que l'enfant consentait contre toute évidence, ça dérange... Certains me dégoûtent.»

Plus qu'hier, les médecins tentent donc de jouer sur ces divers registres. Mais de là à se convertir à d'autres pratiques comportementales plus osées, pratiquées au Canada - comme le déconditionnement à l'électricité, à l'ammoniaque ou à la masturbation ad nauseam - il y a néanmoins un fossé que la France n'est pas prête à franchir! «Trop mécanique, pas humaniste», tranchent les médecins.

«Empêcher le premier passage à l'acte chez des pédophiles potentiels»
Latifa Bennari, fondatrice de l'Ange bleu


Pour les pédophiles qui, au terme de thérapies en chaîne, ne parviennent toujours pas à réprimer leurs pulsions, il existe encore une autre méthode, médicamenteuse: les antiandrogènes, qui assoupissent la libido. «Certains, torturés par leur désir, en arrivent à nous supplier de leur en prescrire pour ne pas replonger», assure le Dr Cordier, pionnier en la matière, qui rappelle néanmoins les limites d'un tel traitement: «Il n'est pas curatif.» Une «castration chimique», en somme, mais réversible, à l'inverse de la castration chirurgicale, pratiquée en Allemagne ou au Texas, sur des volontaires. Le taux de récidive est alors de 3%, mais la prise a posteriori d'hormones peut réveiller le désir. Et ce coupe-libido suscite, ici, des réticences éthiques...

Au final, s'il n'existe pas, en France, de statistiques fiables sur la problématique des soins et de la récidive, l'obligation de traitement semble donc une avancée positive, du moins pour ceux qui ont une réelle envie de se soigner ou qui se laissent prendre dans les rails du SSJ. Avec des restrictions: la part de ceux qui réussissent à échapper au SSJ; la part, non négligeable, d'échecs (l'un des accusés du réseau de Chelles avait tenté deux thérapies chez des médecins reconnus). L'ambiguïté, toujours perceptible chez Alain, Paul et Jacques. L'incapacité à remettre en cause une «pédophilie douce». Et, surtout, la fragilité inhérente à ce qui n'est jamais une «guérison». Soit on fait évoluer sa sexualité vers des adultes - «C'est parfois possible», précise le Dr Cordier. Soit on s'abstient. Et Alain, comme les autres, vit encore avec ses fantasmes sur la corde raide. «J'ai appris à assumer mon homosexualité, admet-il. Je vis avec un garçon de 20 ans et j'ai des barrières vis-à-vis des enfants. Mais je me sens encore très vulnérable... On n'est jamais à l'abri.» Mêmes obsessions chez Paul: «J'évite de m'occuper d'enfants de la famille.» Jacques, lui, est sous le coup d'une interdiction définitive d'entrer en contact avec des mineurs, disposition introduite par la loi de 1998.

A marche forcée, ainsi, la France s'engage peu à peu dans la prévention. Mais prévenir, c'est aussi «encadrer le plus tôt possible ceux qui ont transgressé très jeunes, pour éviter l'escalade», ajoute la thérapeute Martine Nisse. Comme Guillaume, 18 ans et déjà «des doigts» sur les filles de sa belle-mère. Lui, la thérapie l'a «pris à temps». Prévenir, c'est encore «empêcher le premier passage à l'acte chez des pédophiles potentiels qui vont de plus en plus consulter d'eux-mêmes, mais n'ont pas de lieu d'écoute auquel s'adresser», insiste Latifa Bennari, fondatrice en 1998 de l'Ange bleu, la première association du genre à Paris. C'est, surtout, par d'importants moyens et une réelle volonté politique, faire du suivi socio- judiciaire - salué par les pays à la proue comme le Canada - une véritable machine de guerre contre la récidive. A la hauteur des ambitions fixées en 1998.

Silences coupables

La prévention commence évidemment avant les actes. On est stupéfait, à la lecture des comptes rendus judiciaires, de découvrir ainsi que plusieurs responsables du collège Stanislas, à Paris, nourrissaient des soupçons sur les penchants de l'enseignant condamné le 10 septembre à sept ans de réclusion pour tentative de viol sur un élève. Certains avaient même recommandé à leurs propres enfants de se tenir à l'écart du personnage. Mais qui a pensé à protéger collectivement les élèves? On aurait pu parler de la pédophilie en classe, pour expliquer aux élèves qu'il arrive que des adultes prennent des enfants pour objets sexuels en jouant abusivement de leur séduction. On aurait pu, aussi, au lieu de protéger la réputation de l'institution, protéger le pédophile contre lui-même en l'écoutant, en lui suggérant de chercher de l'aide auprès d'un thérapeute, en l'encadrant attentivement, à défaut de le confondre. Certes, des soupçons ne sont pas des preuves. On a peur d'affronter le regard de celui qu'on suspecte. On redoute l'erreur judiciaire, et on a raison. On craint le scandale, et on a tort. On a peur de paraître pudibond, et l'on est ridicule. La liberté sexuelle n'est pas l'abus de pouvoir. On ne mesure pas assez la souffrance d'un enfant humilié, ni celle d'un homme qui se retrouvera en prison pour longtemps parce que nul n'a eu le courage de le regarder en face.

par Jacqueline Remy

© 2003, L'Express, Delphine Saubaber - 18 septembre 2003
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